Pourquoi sommes-nous infidèles?

Pourquoi sommes nous infidèles ?

L’infidélité, l’adultère, portent en eux l’expression de la trahison. Mais quelles raisons nous poussent vers ces comportements qui,
parfois, s’ils sont découverts, peuvent mener notre couple à la ruine ?

L’explication de ces conduites est multiple et variée, elle peut s’ancrer dans l’histoire personnelle d’un des membres du couple, être liée à la vie érotique ou bien encore être la résultante d’une dynamique du couple.

L’infidélité comme protection face à l’intensité de la relation

Les comportements adultères peuvent inconsciemment avoir une dimension protectrice. Nous pouvons nous sentir menacés par l’intensité de la relation de couple, voire nous sentir complètement débordés par les sentiments que nous ressentons. Le couple, trop menaçant psychiquement, nous amène à le mettre à distance en ayant des aventures. La dimension du secret est importante, il n’est pas question que l’autre le découvre. Ici, ce n’est pas un symptôme de couple, mais plutôt un symptôme individuel, ne concernant qu’un membre du couple.

L’impossibilité de réaliser certains fantasmes

Pour certain(e)s, il est une sexualité qui ne se vit pas dans son couple. Il s’agirait de protéger l’autre, tout comme de se protéger soi-même, et protéger l’image que l’autre a de soi.

L’infidélité peut se comprendre par l’impossibilité de satisfaire certains fantasmes avec son ou sa partenaire. Il n’est pas rare de rencontrer des hommes qui, ayant trop de respect pour leur épouse, ne peuvent vivre une partie de leur sexualité qu’avec leur maîtresse.

En période de crise

Tous ce qui arrive dans sa vie ou dans son couple peut venir en fragiliser l’équilibre. Par exemple, lorsque nous vivons une période de chômage, nous pouvons avoir le sentiment de nous sentir inutile, dévalorisé(e). Nous pouvons alors rechercher une valorisation avec une personne étrangère au couple, qui poserait sur nous un autre regard…. Ici, le sujet va chercher à se rassurer auprès d’un autre, la dimension érotique n’est pas vraiment importante, mais bien plutôt la dimension narcissique, pour l’estime de soi.

Une période de crise peut aussi nous amener à vouloir revivre les premiers émois d’une relation amoureuse, aujourd’hui émoussée avec notre partenaire. Ici, la dimension érotique est autant recherchée que le gain narcissique.

L’hostilité à l’égard du conjoint

Être infidèle peut aussi être un moyen d’exprimer son agressivité à l’autre et de régler ses comptes (1). Par exemple, avoir une relation adultère pour se venger des infidélités de son partenaire.

Il se peut également que nous prenions conscience d’avoir souffert en donnant trop à son couple, au détriment de soi. L’adultère est alors un moyen de se venger de l’autre et du sacrifice que nous avons fait pour lui, tout en nous permettant de nous réapproprier un espace à soi. Ici, c’est le conflit entre ses intérêts individuels et ceux du couple qui sont en jeux, et l’adultère vient alors prendre le sens d’un règlement de comptes.

L’arrivée d’un enfant

Tout ce qui remet en cause l’équilibre du couple peut venir le fragiliser, et l’arrivée d’un enfant ne fait pas exception. Nous ne sommes plus seulement un couple, nous sommes aussi un père et une mère pour un enfant, mais aussi aux yeux de notre partenaire. Il se peut que le statut de parent nouvellement acquis inhibe la sexualité chez l’un des membres du couple : ce n’est plus seulement un homme avec qui la femme couche mais aussi un père… (et inversement).

C’est aussi une période où les femmes se centrent sur les besoins de leur enfant, délaissant parfois leur conjoint. L’homme peut alors ressentir le besoin d’aller chercher chez une autre femme la satisfaction sexuelle.

France Bernard

1 – E. Smadja, « Penser l’extraconjugualité occidentale contemporaine », In Couples en psychanalyse, Presses Universitaires de France, 2013

L’infidélité au fil du temps…

L’infidélité masculine, dans les époques qui nous ont précédées, a été justifiée par des raisons socioculturelles, institutionnelles ou encore médicales, alors que celle des femmes a toujours été décriée et pénalisée, notamment pour garantir la filiation. Aujourd’hui les couples se forment en dehors des obligations de nos ancêtres. Quel est alors le nouveau visage de l’infidélité ?

L’amour et le mariage dans l’histoire

Dans les cultures antiques, le mariage était le lieu de la procréation mais non de l’érotisme et de l’amour, que les hommes allaient chercher en dehors de lui. Bien plus, l’amour était considéré par la sagesse populaire comme contraire au mariage. Ce n’était pas les sentiments amoureux qui fondaient le mariage et le justifiaient mais bien plutôt des buts financiers, politiques, et bien entendu de procréation. L’infidélité venait alors compenser les manques inévitables sur le plan aussi bien sexuel qu’affectif, et était en quelque sorte socioculturelle et institutionnalisée.

C’est au cours du 18ème siècle que l’idéal d’un mariage amoureux s’impose, et que s’opère le rapprochement entre amour conjugal et amour érotique. Toutefois, veillant à l’assurance de la filiation, l’infidélité féminine reste sanctionnée par le code pénal napoléonien. A cette même époque, les médecins justifient l’infidélité masculine et le recours aux prostituées par l’importance de leurs besoins sexuels, qu’ils supposent bien supérieurs à ceux des femmes.

Le couple moderne

Aujourd’hui, le couple idéal est considéré comme auto-suffisant, censé apporter aux partenaires toutes les satisfactions. L’amour sert aujourd’hui de fondement à l’engagement. La confiance, l’affection, l’intimité sont les éléments essentiels du mariage moderne :  » l’intimité est devenue le remède souverain contre l’isolement croissant que nous connaissons. Notre détermination à vouloir atteindre et toucher l’autre connaît des sommets de ferveur religieuse. » 1 (P 76). 

Le libre choix du partenaire, et la possibilité de se séparer donne un nouveau visage à l’infidélité. Elle acquiert de nouvelles et multiples significations, en particulier psychologiques 2.

Les exigences vis à vis de l’autre

Reposant sur l’amour, le couple ne doit surtout pas être un lieu de frustration et de souffrance. L’auto-suffisance du couple fait alors peser sur le conjoint de multiples exigences : sexuelles, communicationnelles, intellectuelles, identitaires, psychiques : les hommes doivent continuer à valoriser leur virilité mais doivent être également capable d’exprimer leur féminité ; nous devons nous épanouir personnellement tout en étant dans le partage avec l’autre ; être quelqu’un de stable mais savoir profiter de chaque occasion et des plaisirs immédiats….

De surcroît, les rapports égalitaires entre les sexes et l’importance des revendications individuelles, sont sources de conflits entre les désirs et les besoins de l’individu et ceux de sont couple.

Cette pression et cette confrontation permanente avec l’idéal véhiculé par la société peuvent trouver une issue par des transgressions, un univers à soi, en dehors du couple.

La place du sexe

Le sexe devient une pratique fondamentale pour la construction du sujet, tant féminin, que masculin, et une pratique conjugale constructrice et consolidatrice. Ses insuffisances font parties des facteurs qui peuvent précipiter le couple vers la fin…

D’autant que jamais le sexe n’a autant été exhibé ! Dans une société où l’on véhicule des messages de jouissance dans le tout de suite et le maintenant, qu’il vaut mieux remplacer que réparer, quand les représentations sexuelles mettent sans cesse la jeunesse et la beauté en scène, quand internet permet de satisfaire toutes les lubies, peut-on être satisfait de faire l’amour à la même personne pendant 50 ans? 

L’augmentation de la liberté individuelle et la baisse de la morale extérieure représentée par les institutions conduisent peu à peu à l’établissement d’une morale individuelle et privée.

Et tout ceci aboutit à l’émergence de multiples formes de conjugalités… mais aussi d’extraconjugalités !

France Bernard

1- E.Perel, L’intelligence érotique, Editions Robert Laffont, Paris, 2OO7 (p76)

2- Pourquoi sommes-nous infidèles? , article 2 de la thématique « l’infidélité »