Pourquoi parler de sexualité?

En tant que psy, nous constatons à quel point nos patients n’osent pas parler de leur sexualité, de la façon dont ils la vivent ou en parlent avec leur conjoint (ou souvent n’en parlent pas).

Lorsque survient un trouble sexuel, certains accuseront leur partenaire d’être à l’origine de leur trouble, alors que d’autres ne prendront en compte que la dimension organique en niant la dimension psychologique ou relationnelle : « si je ne ressens pas de désir pour lui se doit être un problème hormonal », « si je n’arrive pas à maintenir mon érection c’est que ma compagne ne m’excite pas assez… »

Nous vivons dans le monde qui a suivi la libération sexuelle mais qu’a t-il vraiment libéré sinon la pornographie et la nudité ? Si le voir est permis (qu’on le veuille ou non), parler de sexualité serait-il encore un tabou ?

La transmission du tabou

Depuis longtemps, nous savons que nous recevons en héritage les tabous, traumatismes ou symptômes des générations précédentes. C’est exactement ce que nous observons concernant la transmission de la sexualité : nous nous confrontons aux inhibitions des générations précédentes !

Pour beaucoup, c’est quelque chose dont on ne parle pas. Il n’est pas rare de rencontrer des gens qui ne peuvent rien en dire à l’extérieur : ni à leur conjoint, ni aux amis, ni à leurs enfants.

En reprenant l’enfance de nos parents, on peut se rendre compte que finalement ce n’était pas la masturbation qui posait problème, mais bien l’absence de parole dessus.

Le langage

Un petit garçon se masturbe devant ses parents, au fond, qu’attend t-il ? La psychanalyse étant passée par là, les parents tenteront une réponse qui n’interdit pas la pratique « c’est quelque chose de naturel mais aussi d’intime, c’est pourquoi si tu veux te masturber, fais le dans ta chambre. » Mais est-ce bien là la réponse qui donnera sens à ce qu’il fait pour autant? Non, véritablement ce qu’il attend c’est qu’on lui explique que le sexe est un organe avec lequel les hommes se reproduisent et luttent contre la mort.

Les choses ne se mettent à exister que lorsqu’elles trouvent une place dans le langage.

Liberté et sexualité

Si chaque individu est unique, sa sexualité l’est tout autant, et chacun la vit de manière singulière. Prétendre à une sexualité libre (de ses fantasmes, de ce qui nous procure du plaisir, des zones de notre corps qui nous font ressentir de l’excitation), réclame tout d’abord de penser la sienne. Si les fantasmes persécutent ou inhibent les adultes, cela indique que la sexualité était présente dans leur tête lorsqu’ils étaient enfants mais sans pouvoir en sortir, sans qu’ils puissent en parler.

Si on ne peut se laisser aller à penser sa sexualité, comment la vivre de manière épanouissante à deux ? Les relations amoureuses se construisent et ne continuent à vivre qu’à condition qu’on les nourrissent, et les êtres humains, pour y arriver, ne possèdent qu’un outil : la parole !

Et nos enfants ?

Ce qui est étonnant c’est la difficulté que rencontrent de nombreux parents à expliquer que maman est une femme, avec un vagin, que l’homme dispose quant à lui d’un pénis et que cette complémentarité des sexes permet de faire des enfants dans la rencontre amoureuse. Pourquoi cette crainte de sexualiser maman et papa ? Ne sont-ils pas un homme et une femme avant d’être parents ? Une chose est sûre : l’enfant perçoit bien qu’il y a une différence entre eux, que les parents ne s’aiment pas de la même façon qu’ils aiment leurs enfants.

Les parents investissent beaucoup de leur énergie à préparer leurs enfants à assumer leurs vies matérielles : centration sur les études, avoir un boulot qui nous permette de vivre mais qu’en est-il de la préparation à investir leur corps en tant qu’homme ou femme, et qu’en est-il surtout de la préparation à assumer leur vie affective et sexuelle ?

Mort et sexualité

les deux sont intrinsèquement liés. La sexualité nous permet de lutter contre la mort car c’est à travers les générations que nous transmettons un peu de nous, à nos héritiers. Et parler de sexualité à nos enfants, c’est également leur transmettre qu’eux aussi deviendront hommes et femmes, pères et mères d’une autre génération. Un jour, ils prendront notre place, un jour nous ne serons plus là. C’est à la fois la dimension de la complémentarité entre les sexes qui est concerné, mais aussi notre place dans les générations. Nous sommes limités par notre corps et nous sommes limités dans le temps.

France Bernard

Didier Dumas, Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? Éditions Albin Michel, Paris, 2004

La collection Questions d’amour : livres destinés aux enfants pour leur parler d’amour et de sexualité (pour les 5-8 ans, les 8-11 ans et les 11-14 ans)

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