Livre : La névrose obsessionnelle

La névrose obsessionnelle

                                                                                                   de Catherine Couvreur

L’évolution contemporaine des traitements donne une grande acuité aux questions pratiques et théoriques que pose la névrose obsessionnelle : en psychiatrie celle de savoir quelle place laissent à la psychanalyse les traitements chimiothérapiques et comportementaux, en psychanalyse celle de l’opportunité du démembrement du cadre nosographique créé par Freud. Ce livre explicite l’essentiel des conceptions psychanalytiques de la névrose obsessionnelle, en les situant dans le cheminement de la réflexion de Freud, ainsi que dans l’évolution ultérieure, telle qu’elle résulte notamment de la confrontation de la psychanalyse aux états limites, aux perversions, aux psychoses, et aussi aux formes de l’enfant et de l’adolescent dont le traitement peut avoir valeur préventive. Les diverses contributions à cet ouvrage ouvrent de nouvelles perspectives dans plusieurs directions : les modalités de la régression pulsionnelle, les caractéristiques du fonctionnement psychique et de la pensée, mais aussi, notamment, les notions d’analité primaire, de relation d’emprise maternelle et de désir de savoir. Les divers chapitres de ce livre ont été écrits par des psychanalystes, auteurs de nombreux travaux, membres de l’Association psychanalytique internationale, les uns de la Société psychanalytique de Paris, les autres de l’Association psychanalytique de France.

La névrose obsessionnelle

La névrose obsessionnelle est définie par l’association d’une personnalité obsessionnelle à des symptômes obsessionnels qui peuvent être de deux types : les pensées obsédantes et les rituels, les compulsions.

La névrose obsessionnelle se définit par le caractère forcé (compulsionnel) de sentiments, d’idées ou de conduites qui s’imposent au sujet et l’entraînent dans une lutte inépuisable, sans qu’il cesse pourtant de considérer lui-même ce parasitisme incoercible comme dérisoire. D’où dans le caractère une lutte et une conscience de la maladie. Dans l’obsession, la pensée est « assiégée » par des idées (les idées obsédantes) et le sujet va tenter de s’en défendre par des actions (rituels).

Mais la névrose obsessionnelle doit se définir aussi par la structure propre de la personne de l’obsédé, entièrement soumise aux obligations qui lui interdisent d’être lui-même.

La névrose obsessionnelle se constitue progressivement et le plus souvent à la puberté ou au moment où se posent les problèmes importants de l’existence. C’est presque toujours -comme la plupart des névroses- quand il se trouve face aux problèmes fondamentaux de l’amour et de la coexistence avec autrui que le sujet déclenche inconsciemment son système d’interdiction obsessionnelles.

Rappelons que les traits de caractères répondant à la névrose obsessionnelle se rencontrent sous forme atténuée, en l’absence de symptômes précédemment décrits.

Résumé de la névrose obsessionnelle:

1. Une personnalité obsessionnelle (nous la décrirons plus loin)

2. Les symptômes

  1. le sujet est envahi par des idées obsédantes qui s’imposent à lui malgré : c’est la pensée compulsionnelle.

  2. il a tendance à des actes agressifs, impulsifs particulièrement redoutés ou non désirés : c’est l’activité compulsive. Le malade se plaint en effet de « ne pouvoir se retenir » qu’à grand-peine de se laisser aller à un acte qu’il ne veut pas commettre. Que l’acte soit ridicule, odieux, grotesque, sacrilège ou criminel, il est toujours un acte chargé d’agressivité contre le sujet ou contre autrui et c’est parce qu’il ne doit pas se faire que l’obsédé se trouve dans l’obligation de l’accomplir. Le plus souvent, c’est seulement à titre d’ébauche presque symbolique.

  3. Il se sent forcé à accomplir des actes répétitifs de caractère symbolique : ce sont les rites de la pensée magique (toucher trois fois une porte en pensant qu’un malheur arriverait s’il ne le faisait pas).

  4. Cette lutte épuisante est à la fois l’effet et la cause d’une grande fatigue psychique (psychasthénie).

=> L’ensemble de ces symptômes mérite le nom classique « d’obsession », car le malade s’assiège lui-même.

Les symptômes

  1. Le domaine de la pensée : les obsessions

Les obsessions sont des idées, des affects ou des images qui surviennent de façon parasite dans la pensée. Elles s’imposent de façon répétée et involontaire à la conscience du sujet. Le sujet reconnaît cette pensée comme sienne malgré son caractère absurde, pathologique et egodystonique (conscience du caractère inadaptée des conduites).

La lutte anxieuse, déclenchée par des telles idées, tend à envahir l’activité mentale du sujet. Le sujet est alors assailli de doutes, de pensées magiques, de ruminations interminables et enfin de rituels de plus en plus envahissants.

Les obsessions peuvent être la conséquence :

  • D’une idée, d’une image mentale qui entraînent une rumination permanente : obsessions idéatives. Les idées sont d’ordre religieuses, morales, agressives… Les images mentales ou les mots sont obscènes, dégoûtants ou encore absurdes. Les conséquences de telles interrogations entraînent le patient dans des ruminations sans fin, des scrupules perfectionnistes, une vie uniquement imaginaire. La folie du doute, par exemple, amène le sujet à douter de la responsabilité de ses actes ou de ses idées présentes, passées et à venir.

  • d’une peur permanente d’une maladie, d’une contamination : obsession phobique. A l’inverse des symptômes de la névrose phobique, la peur existe en dehors de la situation ou de l’objet phobogène puisque seul intervient, dans l’obsession, la pensée.

  • d’une peur de commettre un acte répréhensible : obsessions impulsives.

Le thème des obsessions reflètent en partie les formations réactionnelles que le sujet développe contre son agressivité inconsciente.

On retrouve les thème de :

  • la moral : folie du doute, maladie des scrupules ;

  • religieux, sacré, métaphysique ;

  • ordre, symétrie, précision, cloisonnement topographique ;

  • pureté, soucis de protection corporelle contre les contaminations, les souillures

  • sexualité : homosexualité, rapports sexuels pervers ;

  • agressivité : peur d’être agressif envers soi-même ou les autres ;

  • écoulement du temps.

  1. Domaine des actes : les compulsions et les rituels

Le sujet se sent obligé de les faire pour réduire ou prévenir l’angoisse. Les compulsions et les rituels ont les mêmes caractéristiques que les obsessions, à la différence près que ce sont des actes et non des pensées que le sujet se sent obligé d’accomplir.

On retrouve le caractère absurde, ridicule voire immoral de l’acte que le sujet s’oblige à exécuter. Toutefois, à la différence des obsessions impulsives, l’acte n’a pas le même caractère ou dangereux pour le sujet ou pour l’entourage.

Les compulsions sont des actes répétitifs qui s’imposent au sujet et qu’il ne peut s’empêcher d’accomplir.

Les rituels et les vérifications sont des formes plus élaborées, plus complexes d’actes compulsifs. Ce sont des séquences d’actes élémentaires, portant sur des actions quotidiennes, que le sujet s’oblige à effectuer : habillage, toilette, coucher, défécation, cuisine etc.

La personnalité obsessionnelle

  1. L’élément psychasténique

La psychasthénie est une forme particulière de fatigue vécue à la fois sur un versant corporelle et psychique, mais résultant directement de facteurs psychologiques.

Cette asthénie résulte de la lutte intérieure intense du sujet, de son ambitendance (incapacité à faire un choix entre deux désirs, deux choix, deux décisions), mais également de la crainte de situation nouvelle qui risquerait d’entraîner de nouveaux débats ou luttes.

Elle forme la toile de fond de l’activité compulsive et elle est vécue habituellement dans une atmosphère subdépressive chronique expliquant le recours possible aux drogues et stimulants divers. Elle est également fortement culpabilisée.

  1. Le système compulsif

On retrouve :

  • une agitation psychomotrice : tics, stéréotypies, gestes conjuratoires ;

  • une agitation idéo-verbale : ruminations, litanies ;

  • phobies d’impulsion

  1. Les traits de caractères issus du conflit à l’intérieur du sujet

Les traits premiers du caractère sadique-anal sont :

  • la satisfaction au niveau du plaisir anal 

  • et l’agressivité sadique contre le dressage à la propreté.

De l’érotisme anal découlent les traits de caractères suivants :

  • obstination et entêtement ;

  • collectionnisme et difficultés à abandonner les objets ;

  • angoisse devant la séparation

  • saleté.

De l’agressivité sadique :

  • injures scatologiques ;

  • cruauté envers les faibles ;

  • rébellion contre l’autorité ;

  • tyrannie.

Mais la personnalité élabore des formations réactionnelles opposées à ces satisfactions dans la mesure où elles sont prohibées par une partie du sujet :

Contre l’érotisme anal :

  • Tendances aux cadeaux, résignation, soumission ;

  • Prodigalité (générosité) ;

  • Propreté excessive.

Contre l’agressivité sadique :

  • Politesse, obséquiosité ;

  • bonté, défense des faibles, justice ;

  • respect de toute autorité.

  1. Le rapport à la mort

Il a une peur importante de la mort. Tous les actes, les rituels et obsessions sont là pour contrôler le temps, et donc la mort.

A lire sur le sujet : La névrose obsessionnelle, de Catherine Couvreur (1993)

La jalousie, préambule

La jalousie est un sentiment humain vécu par tous mais qui n’a pas toujours bonne presse. Elle est à la fois susceptible de montrer à l’autre qu’on tient à lui, ou au contraire mener à des actes et des conduites extrêmes. On la retrouve dans un versant tragique sous la plume de Shakespeare où Othello va jusqu’au meurtre de sa femme ; ou plus quotidiennement au sein des couples au sujet de sorties nocturnes, de fréquentations etc.

Définitions

Dans une première définition, c’est un « sentiment hostile qu’on éprouve en voyant un autre jouir d’un avantage qu’on ne possède pas ou qu’on désirerait posséder seul » ; 

Une deuxième met l’accent sur l’idée de la perte et de la souffrance : « sentiment douloureux que font naître les exigences d’un amour inquiet, le désir de possession exclusive de la personne aimée, de la crainte de son infidélité. » 

Dans les deux cas, nous retrouvons l’idée de possession et de désir.

Bien qu’on pense plus souvent à la jalousie dans le couple, elle touche toutes nos relations sociales : de nos relations fraternelles, amicales, professionnelles à nos relations de voisinage.

Paul Laurent Assoun (1) dégage 4 traits chez l’amoureux(se) : le deuil, la perte (narcissique), l’agressivité et la culpabilité. 

Il y a effectivement l’idée d’une réaction à une perte, qu’elle soit réelle ou imaginaire. Le jaloux vit cette situation comme menaçante, prête à se produire, tout en créant et entretenant cette menace.  

La perte narcissique implique la revendication de son statut de victime, victime de sa partenaire tout comme de celui qui les sépare. 

L’agressivité est plus évidente, c’est à dire que le jaloux en veut à l’autre supposé détenteur de son objet et ayant infligé la blessure. 

La culpabilité, elle, est souvent inconsciente, et se développe à l’ombre de la culpabilisation consciente de l’autre. Il se tient pour en partie responsable, n’ayant pas tout tenté pour que la situation ne se produise. Il y a donc un fond d’auto-reproches. 

La jalousie « normale » 

Tout un chacun ressent de la jalousie à l’égard d’un autre : pour une voisine qu’on estimera plus jolie, ou pour un collègue de bureau de sa femme… Elle est tellement normale, que son absence dans certaines circonstances, parait à ceux qui en sont témoin comme étrange ou bizarre. Beaucoup se vantent dès lors d’être jaloux, comme si c’était une preuve d’amour (l’absence de jalousie serait vécue comme une indifférence pour l’autre). 

La jalousie vient du sujet lui-même, c’est une création de l’imaginaire : on s’imagine que l’autre possède plus que nous ou veut posséder quelque chose que nous avons. Et c’est portée par leur imaginaire que certains vont flamber sur ce terrain, s’imaginant alors que quelqu’un pourrait leur dérober ce qu’ils chérissent, quitte à pour cela, empoisonner la vie de la personne avec qui ils partagent leur vie pour se rassurer.

Son intensité peut être régulée par la réaction du partenaire : tantôt elle pourra apaiser la souffrance du jaloux, ou au contraire aggraver la flambée. Bien entendu, il ne faut pas oublier qu’elle est déjà là, en chacun de nous. La jalousie est un sentiment que nous éprouvons très jeune, et le vécu actuel tire sa source des expériences antérieures. La réaction du partenaire actuel ne fera que l’augmenter ou la diminuer.

                                                                                                                    France Bernard

1- Paul-Laurent Assoun, Leçons psychanalytiques sur La Jalousie, 2eme ed., Economica/Anthropos (voir Bibliographie)