L’alcoolisme comme addiction

« Je me souviens nettement que je fus soudain, sans aucune incitation de l’amour-propre, possédé par la soif du risque. Peut-être qu’après avoir passé par un si grand nombre de sensations l’âme ne peut s’en rassasier mais seulement s’en irriter et exige des sensations nouvelles, de plus en plus violentes, jusqu’à l’épuisement total . »

Fiodor Dostoïevski, Le joueur.

L’alcoolisme comme addiction

L’alcoolisme concerne psychiatres, psychologues, psychanalystes, médecins, biologistes, toxicologues, travailleurs sociaux, économistes et politiques. C’est dire que l’alcoologie se veut pluridisciplinaire.

L’alcoolisme est une conduite de dépendance, une forme d’addiction.

L’alcoolique éprouve un désir invincible, le besoin de boire, il a tendance à augmenter les doses (tolérance), et il est vis-à-vis des boissons alcoolisées dans une situation de dépendance psychique et physique. Il ne peut s’arrêter de boire sans être malade, il ne peut pas ne pas recommencer.

La maladie alcoolique est, de très loin, la forme la plus répandue de toxicomanie, du moins en France. Ses complications sont nombreuses et les malades de l’alcoolisme innombrables.

La personnalité des alcooliques :

il n’y a pas de personnalité alcoolique spécifique, qui conduirait à s’alcooliser ; cependant :

  • certains traits de caractères se retrouvent assez fréquemment : appétence orale, mauvaise tolérance aux frustrations, impulsivité, goût pour les sensations fortes ;

  • certaines personnalités pathologiques favorisent une alcoolisation secondaire : personnalités névrotiques (phobiques, hystériques, anxieuses et dépendantes), ou limites (organisations dépressives, états-limites).

Alcoolismes primaire et secondaire

l’alcoolisme primaire représente environ 70% des cas : la conduite alcoolique est le trouble prévalent. Le sevrage et l’abstinence ramènent à une vie normale ;

L’alcoolisme secondaire vient compliquer des troubles préexistants : dépression, anxiété, névrose, schizophrénie. Le sevrage et l’abstinence sont nécessaires, mais pas suffisants : il faudra soigner le trouble sous-jacent. L’alcool servait ici d’auto-médication.

La prise en charge peut nécessiter l’intervention de plusieurs professionnels : addictologues, psychologues, infirmiers etc. Hormis les cures, il existe également des centres accessibles en ambulatoires : les CSAPA.

Evaluer la dépendance à une substance :

  1. la tolérance

(a) besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré ;

(b) effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance.

  1. La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu.

  2. Il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance ;

  3. Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit, ou à récupérer de ses effets ;

  4. Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance ;

  5. L’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance.

J-P. Descombey, Précis d’alcoologie clinique, Dunod, Paris, 1994

Sans alcool, de Claire Touzard

Précis d’alcoologie clinique

Précis d’alcoologie clinique

                                      de J-P. Descombey

Ce précis d’alcoologie clinique est d’abord destiné aux praticiens de l’alcoologie de terrain et à ceux qui se forment à cette pratique. Il se veut donc essentiellement pédagogique et procède par étapes :

  • il fournit les bases indispensables de l’alcoologie ;

  • il approfondit la clinique et la psychopathologie des aspects essentiels des alcoolismes ;

  • il amorce la discussion des problèmes encore sujets à controverse ;

  • il donne un aperçu global d’un cas clinique dans le cadre d’une psychothérapie analytique.

La référence à la théorie freudienne est explicite et fait l’objet d’une réflexion continue de la part de l’auteur, qui met notamment l’accent sur les difficultés de Freud à penser les problèmes posés par les toxiques.

A la différence d’autres manuels, ce précis est essentiellement consacré à la psychopathologie de la vie quotidienne de l’alcoolique, ses souffrances, ses difficultés à devenir sujet, et aux contre-attitudes du thérapeute face aux problématiques addictives.

Le Docteur Jean-Paul Descombey, psychiatre des hôpitaux, est médecin-chef au centre hospitalier de Saint-Anne à Paris, psychanalyste membre affilié de la Société Psychanalytique de Paris et de la Société française d’alcoologie.

La femme infidèle, fonctions du mari et de l’amant

Anne Sexton (1928-1974), poétesse américaine : « Ce n’est pas que je suis belle, c’est juste que je sais faire en sorte que certains hommes tombent amoureux de moi. L’effet de cette chose là est plus fort que l’alcool. Ce n’est pas pour coucher avec eux, c’est comme un rituel. Si je veux aller plus loin, je n’ai qu’à dire : j’ai besoin de toi … Quand j’y songe, vraiment, je me dis que je vais en crever, c’est une vraie maladie ; ça va détruire les enfants, briser mon mari et l’idée que n’importe qui se fait de moi. Depuis que ma mère est morte, je veux toujours avoir le sentiment que quelqu’un est amoureux de moi. Un sacré narcotique que d’avoir des gens amoureux de moi. »

La littérature sentimentale, lorsqu’elle traite de l’amour adultère, nous parle de caresses, de paroles, de mots doux de l’amant, mais parle peu de l’acte sexuel en lui-même. Elle permet à la lectrice de jouir de l’image d’une mère idéale et bénéfique cachée sous les traits d’un amant protecteur et surtout caressant. Le modèle d’un amour adultère véhiculé par les auteurs féminins au fil des siècles (1) s’appuie sur une double nécessité : du ressourcement narcissique que procure l’amant (bon pour l’ego d’être aimée et désirée par un homme), et de la présence d’un tiers dans la relation passionnelle qui empêche de s’y perdre, le mari.

Bien que la demande de la femme adultère s’adresse à deux hommes (le mari et l’amant), elle dissimule en fait une demande homosexuelle inassouvissable à la mère des origines.

Derrière l’amant, la mère

La passion qui submerge, l’impression de fusion avec l’autre, les mots ne sont parfois pas assez fort pour décrire cet état par ceux qui le vivent. Les mots manquent. Cet état est en quelque sorte une reconstruction, après-coup, de l’amour rêvé avec la mère…

L’amant enveloppe la femme grâce à ses caresses et ses mots, il l’amène à régresser vers l’univers maternel des premiers temps de la vie, univers de fusion, remplit d’un amour idéal et donc inatteignable. Replonger dans cet univers permet alors à la femme de se croire, un court moment, l’unique objet d’amour.

Les descriptions écrites par des femmes de ces instants restent flous, diffus, et ce n’est pas tant par pudeur plutôt que par nécessité d’en rester au sentiment diffus mais pleinement satisfaisant d’un état de régression, de l’ordre du mythe, du mythe d’un amour inconditionnel. L’amant lui permet de vivre dans un état où les illusions sont les plus fortes.

Mais dans ce désir de re-trouvailles avec la mère idéale, la distance est nécessaire, sinon la passion pourrait bien s’avérer fatale. Les faits divers d’ailleurs ne manquent pas qui nous en montre les dangers.

Le garde-fou

C’est d’ailleurs la fonction du mari de venir empêcher que cet état passionnel ne vire au cauchemar. C’est parce que la femme l’a intériorisé comme tel, dans sa psyché, que cela fonctionne.

Le mari représente le monde du mariage et de ses lois et fonctionne comme un cadre réconfortant avant de se lancer dans l’aventure (ce lit étranger) de l’adultère : sous l’aile protectrice du mari la relation adultère peut être vécue dans ses composantes les plus régressives. Le rôle du mari est de maintenir un cadre à la régression que s’autorise la femme dans la passion adultère, pour éviter qu’elle ne s’y perde.

Le secret est ici nécessaire, avec un mari mis en position de garant du cadre de la loi, et un amant pour la transgresser. C’est alors que l’adultère peut être vécue dans un état de passion « contrôlée », sans risquer pour autant de perdre les avantages du mariage. Si la relation adultère vient à se terminer, elle pourra puiser dans la relation avec son mari pour s’en remettre et y trouver du réconfort pour faire face à la perte.

France Bernard

(1) A. Houel, L’adultère au féminin et son roman, Armand Colin, 1999