L’attachement aux amours du passé
La rencontre amoureuse est un moment où l’on se penche sur les relations affectives de notre passé car partir à la recherche d’un autre avec qui s’unir, c’est aussi renouer avec les amours passé, une retrouvaille avec notre père et notre mère.
Nos premiers amours
Lorsque nous étions enfants, nos premiers amours étaient nos parents. Notre monde tournait autour d’eux, nous voulions les satisfaire et être aimé par eux. Nous clamions parfois haut et fort que nous les épouserions lorsque nous serions grands. Phase bien connue du complexe d’Œdipe où le petit garçon veut tuer son père pour pouvoir épouser sa mère, et où la petite fille souhaite se retrouver seule avec le père. Lorsqu’on nous répondait que c’était impossible, nous rétorquions qu’on trouverait quelqu’un comme eux!
Nos modèles, exemples à suivre et à retrouver, ce sont eux. Nous commençons petit à petit à intérioriser leurs valeurs, leurs idéaux, leurs croyances. Modèles qui resteront un repère, que ce soit dans la recherche du même ou bien en se positionnant à l’opposé d’eux et de ce qu’ils représentent. C’est un moment important dans la construction de son identité masculine et féminine car ce que nous percevons et interprétons de notre mère et de notre père nous servira à construire notre représentation de ce qu’est une femme et de ce qu’est un homme. Cela passe par l’observation de nos parents mais également par la façon dont ils s’adressent l’un à l’autre. Par exemple, nous connaissons les effets délétères des violences verbales de certains hommes à l’encontre de leur épouse. L’enfant aura tendance à intérioriser une vision de la femme comme un être faible et qu’on peut maltraiter.
L’adolescent et l’idéal
A l’adolescence, c’est véritablement là que va se déclencher, voir déchaîner l’idéalisation. Véritable poussée à l’intérieur de nous qui ne nous quittera plus. Pour mieux se séparer de ses parents, amours interdits, l’adolescent va rejeter en bloc ce qu’ils aiment, les valeurs qu’ils prônent, ou encore leur choix politique. Il va se mettre en quête de personnes et de choses à idéaliser (stars du cinéma, écrivain, mouvements politiques). Seulement, et c’est leur grande insatisfaction, il y aura toujours une inadéquation radicale entre cette aspiration à idéaliser et ce qui l’incarnera dans la réalité, réalité toujours décevante. C’est exactement ce qu’il se passe dans la rencontre amoureuse (1) où l’autre, d’abord idéalisé, redevient humain lorsque l’idéal se fissure…
L’adolescent donne à penser qu’il refoule ou rejette les idéaux hérités de son enfance, alors qu’en réalité, il met tout en œuvre pour les faire émerger ailleurs et autrement. Puisqu’on ne peut pas avoir sa mère, on va s’identifier à son père pour rechercher une femme qui ressemble à celle-ci. Nous recherchons inconsciemment des modèles qui ressemblent à nos parents, car ce sont eux que nous cherchons à retrouver, à aimer.
Qu’en dit la sociologie?
Les sociologues ont pu largement constater le phénomène. Il la nomme la reproduction sociale. Schématiquement, nous choisissons quelqu’un du même milieu social que le sien. Car c’est également toute une façon de voir, de comprendre et de se comporter dans le monde que nous transmettent nos parents. Il arrive même que certains épousent quelqu’un pratiquant le même métier.
Pour d’autres, cette évidence s’impose à tous : « Elle a choisi un homme comme son père ». Dans la plupart des cas, cela apparaitra de façon plus discrète, voir passera inaperçu aux yeux des autres, et seule une analyse la fera émerger.
L’échec du processus de détachement
Le processus de détachement que doit accomplir un adolescent ne va pas sans heurt. D’une part, il est plein d’ambivalence entre la volonté de se séparer et celle de pouvoir rester encore un enfant. D’autre part, la difficulté pour certains parents d’accepter la séparation peut envenimer la situation. Cela peut donner des adolescences qui se prolongent, comme en témoigne le film « Tanguy »(2). La souffrance de sa mère de le supporter encore chez elle, alterne avec une attitude très maternante. Elle voudrait s’en séparer tout en le gardant près d’elle. L’attitude ambivalente de sa mère trouve écho chez Tanguy qui se complaît dans cet environnement qu’il n’imagine pas devoir quitter un jour. Il n’y est tellement pas préparé que lorsqu’il emménage dans son appartement, il est submergé par l’angoisse, ce qui le ramène… Chez ses parents! Ce n’est pas qu’une séparation physique qu’il s’agit de réaliser, mais bien une séparation psychique pour pouvoir ensuite s’épanouir avec un/une autre.
France Bernard
(1) La rencontre amoureuse, In Le couple : généralités (article 2)
(2) Tanguy, comédie française d’Etienne Chatiliez, 2001